Si l’Ukraine a remercié Boris Johnson, le Kremlin a également réagi quelques heures avant que le Premier ministre annonce sa démission. Moscou, par la voix du porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskova, a ainsi espéré voir arriver au pouvoir au Royaume-Uni des « gens plus professionnels et en mesure de prendre des décisions à travers le dialogue ». Il a par ailleurs ajouté que le Premier ministre britannique « ne nous aime pas beaucoup et nous non plus ». La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova voit elle dans la situation au Royaume-Uni la preuve que les « régimes libéraux (occidentaux) sont dans une profonde crise politique, idéologique et économique ».
UNE CRISE POLITIQUE SANS PRECEDENT OUTRE-MANCHE :
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a estimé jeudi qu’il convenait de laisser à son successeur les « décisions budgétaires majeures », a annoncé Downing Street quelques heures après l’annonce qu’il allait quitter ses fonctions. Selon le compte rendu du Conseil des ministres, Boris Johnson a souligné qu’il ne chercherait pas d’ici son départ à mettre en oeuvre de nouvelles politiques ou des changements de cap majeurs. « Il a déclaré que les décisions budgétaires majeures devraient être laissées au prochain Premier ministre », selon un communiqué de Downing Street.
La démission de Boris Johnson à la tête du Parti conservateur, ouvrant la voie à la désignation d’un nouveau Premier ministre, met fin à trois ans de mandat marqué par les scandales. Boris Johnson, qui a permis au parti conservateur d’obtenir une majorité historique à la Chambre des communes et a conduit à la réalisation du Brexit, a été d’abord fragilisé par le scandale du « partygate », ces fêtes à Downing Street alors que le pays était sous le coup de mesures sanitaires très strictes. Ses explications variables qui ont suivi, l’enquête de police estimant qu’il avait enfreint la loi, l’enquête administrative dénonçant la culture laxiste à Downing Street ont eu raison de la confiance du pays, dans un contexte d’inflation au plus haut depuis 40 ans, de tensions sociales et d’augmentation des taxes. À la suite des multiples scandales, la cote de popularité de Boris Johnson était passée de 66% d’opinions favorables en avril 2020 à 23% fin juin (baromètre YouGov). Entre 69% et 72% des Britanniques souhaitaient sa démission, selon deux sondages cette semaine. Après les multiples rebondissements du « Partygate », Boris Johnson avait vu un nouveau scandale éclaté à la suite de la nomination de Chris Pincher en tant que « whip » en chef adjoint chargé de la discipline parlementaire des députés conservateurs, alors même qu’il était accusé d’attouchements sur deux hommes. Affirmant d’abord ne pas avoir été mis au courant, Boris Johnson a reconnu qu’il savait depuis 2019, mais avait « oublié » lorsqu’il a nommé Chris Pincher.
Lors de son adresse à la nation britannique, le Premier ministre Boris Johnson a expliqué qu’il resterait à Downing Street le temps qu’un nouveau chef du Parti conservateur soit désigné. Celui-ci prendra alors sa place en tant que Premier ministre.
Si la démission de Boris Johnson a entrainé de nombreuses réactions au Royaume-Uni, celle-ci a aussi été suivie à l’étranger. La présidence ukrainienne a ainsi remercié le Premier ministre britannique pour son soutien dans les « moments les plus difficiles ». Joe Biden dit que son pays poursuivra son « étroite coopération » avec le Royaume-Uni, notamment sur l’Ukraine, dans un communiqué diffusé après la démission du Premier ministre britannique Boris Johnson qui ne fait toutefois aucune mention de ce dernier. « Le Royaume-Uni et les Etats-Unis sont les amis et les alliés les plus proches, et la relation spéciale entre nos peuples reste solide et durable », a affirmé Le président américain. « J’ai hâte de poursuivre notre étroite coopération avec le gouvernement du Royaume-Uni, ainsi qu’avec nos alliés et partenaires dans le monde entier, sur une série de priorités de premier ordre », a-t-il ajouté. « Cela inclut le maintien d’une approche forte et unie pour soutenir le peuple ukrainien au moment où il se défend contre la guerre brutale de Poutine contre sa démocratie, et de tenir la Russie responsable de ses actes », a-t-il poursuivi.
APRES LE DEPART DE BORIS JOHNSON, UN PAYS ET UN PARTI PROFONDEMENT DIVISES, DIT LE TEMPS (GENEVE) :
« La démission de Boris Johnson laisse place à un pays déchiré, où l’Ecosse menace d’organiser un nouveau référendum. Le parti conservateur du premier ministre, malmené par six ans de tourmente, est désespérément en quête d’une doctrine. Rien n’est jamais simple avec Boris Johnson. Pendant deux jours de batailles politiques homériques, il a résisté de toutes ses forces à l’idée de démissionner. Hier, alors que près d’une soixantaine de ministres et secrétaires d’Etat avaient claqué la porte, il a dû se rendre à l’évidence: «Il est clair que le groupe parlementaire du Parti conservateur veut un nouveau leader et donc un nouveau premier ministre.» Sur le perron de Downing Street, il a annoncé sa démission mais il va rester à son poste de premier ministre du Royaume-Uni le temps qu’un successeur à la tête des tories soit nommé. » Ce jeudi matin, la difficile position du Premier ministre britannique faisait la une de nombreux médias du Royaume-Uni. Tandis que l’hebdomadaire The Economist parle de la « chute du clown », le tabloïd « Morning Star » titre : « C’est l’heure de dire au revoir, M. le Premier ministre ». « The Sun » met lui en avant une photo de Boris Johnson avec comme titre une citation fictive du dirigeant britannique : « Il faudra me passer sur le corps pour vous débarrasser de moi ».
« LES CONSERVATEURS BRITANNIQUES, PARTI DU CHAOS », COMMENTE LLB (BRUXELLES) :
En mai 2015, le Premier ministre conservateur David Cameron, en campagne pour sa réélection, avait mis les Britanniques « face à un choix simple et inéluctable : la stabilité et un gouvernement fort avec moi, ou le chaos avec Ed Miliband », son rival travailliste. La suite est connue. Les tories l’ont emporté. David Cameron a, comme promis, organisé l’année suivante un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. L’a perdu, après une campagne maladroite qui n’a jamais trouvé la parade face à celle menée, à grand renfort de mensonges, par son rival conservateur Boris Johnson, chef de file des Brexiters. Theresa May s’est installée au 10 Downing Street, abandonnée par le perdant. À son tour, elle a cédé prématurément la place, en 2019, faute de parvenir à conclure avec l’UE un accord de retrait, en raison, notamment, des bâtons dans les roues que lui mettait celui qui briguait sa place : Boris Johnson. Une fois installé au poste de Premier ministre, celui-ci a ficelé un compromis avec l’Europe, acceptant ce qu’il refusait la veille, tout en ayant derrière la tête le projet de ne pas respecter la protocole sur l’Irlande du Nord.
Semblable personnage n’aurait jamais dû se retrouver à la tête du gouvernement du Royaume-Uni. On l’a déjà écrit ici : l’intégrité et l’honnêteté lui sont des concepts étrangers. Son propre intérêt est sa seule boussole. Essoré par les vagues de scandales qui déferlent depuis qu’il a pris ses fonctions, Boris Johnson a fini par lâcher prise, ce jeudi. Personne, si ce n’est lui, ne s’en plaindra. Le mal fait sous sa mandature est considérable. L’exercice qu’il a fait du pouvoir a endommagé la démocratie, la réputation de son pays et dégradé les relations avec l’UE qui reste, malgré la séparation, le principal partenaire du Royaume-Uni.
QUI PRENDRA LE RELAIS ? DANS QUELLES CONDITIONS ?
David Cameron avait convoqué le référendum sur l’UE dans le but de dompter l’aile eurosceptique des conservateurs. C’est aujourd’hui à cette frange, aveuglée par un nationalisme obtus etrevanchard, que quiconque veut prendre la tête du parti tory doit donner des gages pour espérer être élu. Imprégné jusqu’à l’ivresse de l’idée que lui seul est digne de gouverner, le parti conservateur est, en fait, la source de chaos contre laquelle son ancien leader mettait jadis en garde. Pourquoi reste-t-il en poste? Quel impact pour les relations avec l’UE? Les questions qui se posent suite à la démission de Boris Johnson. Acculé, isolé, le Premier ministre a annoncé sa démission. Il restera en place jusqu’à ce que le parti conservateur se choisisse un nouveau leader. Les candidats potentiels sont nombreux, l’issue de la course incertaine.
Luc Michel, géopoliticien, nous donne plus d’explications.
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